Les peintures de l'enceinte
Présentation de mon travail
Le développement de mon propre travail est extrêmement lié à mon métier de danseur et plus particulièrement à sa pédagogie.
Très tôt, sans en connaître exactement le fondement, si ce n’est par pur plaisir, j’ai lié l’enseignement de la danse à des pratiques faisant intervenir les arts plastiques. Je travaillais au départ dans un rapport plutôt basique c’est à dire dans une optique de va et vient entre garder une trace et danser un signe. J’avais souvent en tête un peintre, un photographe ou un sculpteur. Je lisais des ouvrages le concernant. J’essayais de tirer des principes, des lignes conductrices qui allaient me servir dans l’élaboration de mes séances.
Le passage des arts plastiques au mouvement et inversement était pour moi d’une grande richesse. J’étais fasciné par la variété des réponses, par le fabuleux support que pouvaient représenter les arts plastiques pour le mouvement et réciproquement.
Je me suis mis à expérimenter de plus en plus de situations afin d’affiner et de varier mes propositions pédagogiques.
Les questionnements inhérents aux arts plastiques me renvoyaient sans cesse à mes préoccupations de danseur. Tout s’interrogeait, se questionnait, se répondait.
Je sentais la richesse de cette nouvelle pratique et, à la fois, mon manque dans ce domaine.
Finalement, loin de me débarrasser de mes préoccupations pédagogiques, je me suis mis à pousser plus loin mes propres expériences, à approfondir mes connaissances, à éprouver de plus en plus de plaisir, à sentir comme une nécessité.
Aujourd’hui, c’est devenu une pratique à part entière.
Je travaille parfois à l’extérieur, hors de l’atelier. Les travaux sont alors généralement de petit format, sur du papier que je récupère et que je prépare avec de la colle de peau. Je charge mon matériel dans mon camion et je pars à l’aventure.
Bien que peu pratique vu la lenteur du séchage, je travaille essentiellement à l’huile. J’aime avant tout son odeur et puis son gras qui sans doute, pour moi est proche d’un liquide synovial.
J’aime préparer mes couleurs comme on prépare un corps avant qu’il entre en scène. J’aime envisager mon support comme un espace d’improvisation, un lieu pour recueillir de l’imprévu.
Le plus souvent je prends un «focus » c’est à dire un point où se fixe mon attention. J’aime le changer le plus souvent possible où mieux qu’il me soit imposé. Parfois je travaille avec un «modèle » c’est à dire une personne qui aime le mouvement. Je nous fixe alors un thème d’improvisation. Nous avons le même. Parfois c’est le modèle qui le choisit.
J’aime aussi me glisser dans les studios ou dans des lieux de répétition. J’utilise les informations qui se disent pour me fixer des axes de travail, des sujets d’improvisation.
Dans l’atelier, je travaille plutôt sur l’intime et paradoxalement sur de plus grands formats. J’ai généralement plusieurs travaux en route vu la nécessité de temps qu’exige la peinture à l’huile. Je me prête volontiers à un mouvement plus interne, moins visible pour les yeux, qui oscille de la mémoire à l’oubli. Je ferme les yeux et mon corps se tourne vers une autre présence. Je sens les vides articulaires, l’huile se répandre à l’intérieur, lentement, graissant ainsi les mécanismes de ce retournement.
Dans cet état épais, rond, perméable et poreux, c’est le geste qui respire et le trait aussi. J’allège, j’affûte, j’appuie, je procède par effacement, par apnée. Je danse.
Des tableaux viennent parfois s’afficher comme ça, soudainement dans le musée derrière mes yeux. Tantôt une couleur, une thébaïde, un triptyque, tantôt une coulure, un trait, un éclat… Sans être convoquées, ces présences sont pour moi mes volumes porteurs.
J’absorbe la lumière des images, j’ouvre à ce que mon corps traverse, j’attends qu’un espace me regarde…
J’aime mélanger la danse et la peinture comme le projet l’éclairci ou je danse-peint sur des toiles au sol pendant qu’un non voyant lit le livre de Lionel Bourg les montagnes du soir.
Où bien le projet Déchirer les nuages où je danse-peins avec la danseuse Marika Rizzi et de la terre.
Où bien encore le projet l’occupation des sols avec des constructions de petites pièces à danser.
Avec le temps, je me suis aperçu que je procède avec mes peintures comme un chorégraphe. Il me faut un préambule, un prétexte, une pré-danse.
Je donne également un titre à chaque série et un propos
« Chair de toutes parts » : Travail récurent autour du mouvement et du modèle vivant.
« J'étends du mouvement encore humide » : c’est la première fois que j’expose. Galerie Saint Ravy à Montpellier. Les toiles ne sont pas encore sèches.
« Les montagnes du soir » : je peins pour le livre de Lionel Bourg Les montagnes du soir paru chez Cadex édition.
« L’occupation des sols » : Travail de monotype et de « petites pièces à brailler » autour du territoire et de la cartographie.
« Terres pour un corps qui s'en va » : à l'occasion d'une blessure en danse, j’ai du temps pour peindre mais je m'aperçois que mon corps me manque pour m’exprimer.
« l'Eclaircie » est un projet que je propose aux bibliothèques : lecture/danse/peinture à vue basse, du livre en braille de Lionel Bourg "Les montagnes du soir" avec un non-voyant. Grand format.
« L'horizon d'un sujet » : période chaotique de divorce et durant laquelle la chorégraphe pour laquelle je travaille décède. Le point de départ est une phrase que mon ex-femme m’a écrit : "Je pars. Ici, je n'ai plus d'horizon". Je peins alors des détails agrandis du jardin où j'habite, et j’observe comment pour moi, ces détails sont source de nouveaux horizons.
« Balayer l'aube » : à cette période-là, j'ai envie justement de changer d'air. C'est un temps où je me lève tous les jours à 5h du matin (je prépare le soir le papier au Gesso) et j'essaie de capter les couleurs entre la fin de la nuit et le début du jour.
« À bouche décousue » : travail de peinture en relation avec le livre de Geneviève Bertrand : À bouche décousue.
« Ecouter la lumière » : Dans cette période, je m'interroge sur le lien entre mon métier de thérapeute, la danse et la peinture. L'écoute est le point commun de toutes ces pratiques : écouter ce qui éclaire l'Etre, ce qui l'éclaircit, essayer de retrouver sa clarté antécédente.
« Déchirer les nuages » : je postule pour une résidence aux moulins de Paillard avec la danseuse Marika Rizzi. J’emmène mon poids en terre. Peinture avec de la terre.
« Bleu Nuit Noire » : Temps de travail et d’échange avec Cécile Beaupère autour de la part manquante. Monotype.
« Cartes postales » : Découpe d’extraits de peinture. Prétexte à de l’écriture.
« La verticalité des larmes »: Trouver une verticalité en changeant la pente des larmes.