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L’occupation des sols

« L’occupation des sols » : Travail de monotype et de « petites pièces à brailler » autour du territoire et de la cartographie.

L’occupation des sols

Je crois qu’une des forces des danseurs, c'est d'être continuellement en mouvement, ouverts à d'autres champs que la danse. Ce qu'il cherche, en dehors d’incarner une abstraction, c'est généralement de quitter une habitude, un territoire, une sédentarité. Pour cela il fait appel à ses muscles lisses et ses muscles striés. Les muscles lisses auxquelles il fait appel sont silencieux. Ils sont sans réponses. Ils font parties du système autonome. Il n’y a que les muscles striés qui répondent à son désir. Ils font parties du système volontaire. Ce qui me fait penser qu’il y aurait dans les territoires, des espaces autonomes (ceux qui nous échappent) et des espaces volontaires (ceux que nous défendons).

Habiter c'est avoir des habitudes. C'est répéter le même geste, la même gestuelle le même parcours, le même schème d’action. Lorsqu’on transmet un geste, on va l’éclaircir, non pas en le simplifiant mais en le conscientisant, en étant alerte de chaque instant. La répétition pour reprendre Deleuze ne va pas être reproduction du même mais puissance de la différence. Le danseur s’ouvre sur le monde, sur des univers, des poétiques, des sensations nouvelles. Il trace des lignes, toute une cartographie de la différence.

Danser est ce métier millefeuille qui vise un processus positif et joyeux de condensation.

L’occupation des sols est une façon de poser un territoire, un point de contact entre le concept et le réel, une expérience de l'entre-ouvert, un espace et un instant qui font seuil… c’est l’inverse même d’un territoire occupé.

L’occupation des sols, c’est se retrouver dans des lieux où il est encore possible d’écouter le monde. C’est entrer dans cette nudité, cette vacuité, cette “ivresse blanche” qui est présence souveraine et entière au monde. Le monde c’est ce qui émerge du rapport entre l’homme et la terre.

Ce pourrai être, pour citer encore Deleuze, une façon de se déterritorialiser.

L’occupation des sols c’est prendre la carte routière de l’endroit de notre naissance. Et en tracer la cartographie sur une plaque encrée.

C’est, dans un deuxième temps, prendre la carte d’un autre moment fondateur de notre vie. Y tracer les lignes de nos parcours, de notre cartographie personnelle. Y mettre des couleurs.

L’aventure de la vie comporte des étapes mais elle implique aussi des étages. Faulkner disait que « nous disposons tous d’un territoire pas plus grand qu’un timbre poste, et que ce qui importe n’est pas tant sa superficie, mais la profondeur à laquelle on le creuse ».

L’occupation des sols produit donc un double mouvement. A la fois une montée verticale qui est la loi même de la vie et à la fois une plongée dans les entrailles qui est la loi même de l’évolution. Une élévation qui est conduite par le besoin d’ouverture et de dépassement, un plongeon qui est le principe même de la métamorphose et de la transfiguration.

Note d’atelier novembre 2021

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