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Cartes postales

« Cartes postales » : Découpe d’extraits de peinture. Prétexte à de l’écriture.

Il y a quelques années, j'ai commencé à découper dans des peintures « ratées » des formats carte postale. Ces extraits, je les ai retravaillés jusqu'à ce qu'ils me parlent, me regardent, disent leurs derniers mots. Ils représentent aujourd’hui un travail que j’aime faire. Ils sont bien souvent le prélude à des grands formats, à des recherches ou à un échauffement pour huiler le geste.

Mais, ils sont devenus également le prétexte à des états poétiques propice à l’écriture. Écritures qui ne seraient pas des illustrations narratives mais plutôt des écarts, des entre espaces, des fagots de mots pour célébrer une communauté du dire. Une sorte de dépôt où la peinture et l'écriture chercheraient à s’épaissir pour accueillir l'équivalent d'une intériorité.

Tu passes soudainement de ce point d’à côté à cette pliure faciale méticuleusement perpendiculaire à l’acte d’en finir où la pelure d’un mot devient tout à coup un froissement bleu-nuit où la présence n’est plus.

- Le lieu. Parfois être le lieu. Simplement. L’espace, le gant où l’espace se retourne.

- De la foutaise. Des phrases avec des phrases. Du travail. Point. Bon sens.

Venir à sa rencontre.

A temps.

Réussir, c’est être le non-lieu.

Les genoux se plient, d’avant en arrière, du bas vers le haut, en saccade. La colonne pompe son air, de son poids. A chaque fois plus haut. La langue chevrote. Un chant a lieu.

Toujours. Toujours un chant a lieu qui déclenche les genoux qui se plient, la colonne qui pompe l’air et la langue qui chevrote.

Le corps. La tête alors, loin de sa pensée de dire. Elle cherche d’où ça chante.

Un pincement s’ouvre à la flèche des clavicules. En abondance, à en trop en avoir, à n’en pas savoir comment le mériter, à en vouloir le ressemer sur la tête, sur la cime de ceux qui nous ont fait.

La peau contre la peau. Touché à peine.

Le volume fait une expérience

Dedans le bruit autre que le bruit du temps.

Ta langue secrète la mesure

que fait notre rencontre

Celui-là assis est un,

un seul - un mot de qui -

Tes mots sont des syllabes qui s’excusent.

Encombrés – ici – juste -

Les penseurs et les reins appellent

un espace pour pouvoir penser

un intervalle

faux.

Un seul mot d’avant t’encombre

- toi – n’est pas debout.

L’ici est bouché.

Poids – ta langue est le poids

Salive de ton côté. Fausse

d’un liseré noir.

Ce que tu traînes, déterre

le lieu d’en haut,

seul chien en laisse.

Le monde est une chute.

Il recompose le silence intermédiaire nécessaire aux étoiles. Brillance d’une avance blanche qui n’est rien d’autre qu’un possible visible. Beauté consacrée à la négligence. Maintien du perdu dans l’illisibilité de toi réelle.

Un livre d’épaisseur ne serai pas dire mais serai une image, silence sous le mettre carré de l’œil, surface ronde qui se mesure par le cycle, monde à son tour refermé sur un seul sens, opération illusoire s’il en est.

Accuser, c’est rester là, dans un noir qui s’abat.

L’emprise est une forme de transparence où se mêlent les épisodes de la construction, en acte tout du moins. Prise dans son acuité, l’isolement personnel voudrait mettre à jour le non-commun des dispersées, revenir ouvert. Une histoire se déplace pour mettre hors d’air, retenir en action les pentes ravinées par les herses des cendres, tous labours a des bascules proches de tout.

Les arbres sont saupoudrés de nombres, incapables de se secouer

Figure A et figure B, lumière et ombre ronde, amortie à ses angles, ailleurs qu’une perception qu’elle aurait eu de l’autre. Figure A revenue dans le poids du visage, les articulations ont des manières rayées, les sifflements se bousculent dans le peut-être

Figure B fait l’inverse, le retour des sangles est une discipline pour le visible et donc l’inutile. Les dernières font remontées les différences.

Je veux me mettre à jour, m’extraire de l’épine qui pourrait écharder ma vue. Je m’engage dans un geste vers là-bas. Les oiseaux eux peuvent le faire - J’aime les reconnaître avant qu’ils ne s’échappent.- Revenus solitaires, du moins au début. Maintenant ils se regroupent en robe de neige, en fumée tardive, en tissu brodé sur les os, en transparence bleu dont le toucher nome. Brochettes suspendues sur les fils de nos dialogues. Ils auraient pu s’appeler à force de le faire mais ils se tiennent là, en petit ramassis, un manteau de silence sur les épaules. Pour les mésanges, celles qui ont le ventre jaune c’est pas pareil. Elles ne sont pas du voyage. Pas encore. Du coup, elles sont bien plus gourmandes. Elles ne choisissent pas non plus, elles volent. Je veux me mettre à jour, ressembler aux piètres gestes de la gourmandise et de la migration.

C’est étrange le rayon d’un mot au travail. Cette vie en trop, qu’elle ne sait pas quoi en faire, l’enfonce. Doucement. Morte, elle ne la fait pas. Elle voudrait qu’on la nome, qu’on l’appelle. Ciel d’un 22 Janvier à pâlir. Ici, hurle, râle et pourtant c’est un petit pavé qui glisse. Conquérante et inexacte. Elle se tient, rouge, dressée comme tous les migrateurs. Hors saison, elle est entre elle et ce qu’elle est. Désertée. Déshabitée. Déplumée. Engorgée des ombres, d’une chose de l’autre. Seule dedans, dans son domaine. Même plus d’amour dans l’air, même plus d’air. Tout était bien oui. Barques arrachées des airs, des toiles de Braque à Varengeville. Sa naissance et ses cheveux encore adorables et le gris frais des arbres et sa voix que j’aime bien.

Il me visite la nuit, dit-elle, me rappelant à pas de chat, le pacte de sang et de cendre, me rappelant les promesses que je lui ai faites, devant son urne encore fumante, que mon amour ne mourra jamais.

Tronc intercalé, blanc apesant, droites cheminées.

Route qui n’est vu ni de la route ni de coté. D’être haleté.

Le son, lui, oui. Continues entre. Parle à dehors.

Sous les branches, sous les gangues des branches, tombées là.

Pisser dans la neige. A en faire des huit, des infinis

Seuls, on est retardé à être

Extrait.

D’un autre. Craque la tête des os. Le fond est un soutènement. Qui béquille la vie pour la creuser. Page braillé du visage, enfin sans gogue.

Etendue où barbotte la reliure.

Les doigts pour couvrir les yeux. L’enveloppe est un cierge qui s’éteint. En même temps. S’écarter doucement pour éloigner le portrait qui nous retarde. Rien n’est. Résorbe. Mis à une autre place, sans doute, j’aurai accouché d’une verticale et de deux cris. Accumuler ainsi, les vies, les brumes, le froid des bouches quand elles collent, celles qui restent inertes. Celles qui t’appellent. Celles qui charrient du seuil.

L’absence dorénavant se met à régner. Partir de là. De l’amour, du quoi, du qui, du temps qui s’enflamme quand plus contacte moins.

Le pli est une caresse pour que glisse le blanc sur le lin.

J’ai envie d’être seule. Elle lui avait dit. Au centre, ça résonnait. Le fruit était un nid défait. Plus bas, il l’avait fait, presque fait. Les traits foraient des rires dont je connaissais la fin. La surface sur les côtés était un poing enfoncé, partagé, croisé comme un feuillage. Obligé d’être couvert, d’être un nœud de papillon sur le plat du lit, un fil effilé, tiré sur le côté, dette effiloché cernant son corps comme une momie de noix. Rappel de la date sur un angle agrafé. Carillon pour un homme. N’importe qui se serait froissé. Grain qui peu, se trame. Elle n’aimait plus personne, ne parlait à personne, à froid. Toujours a froid. Le blanc s’était brodé avec ses initiales. On faisait comme ça à l’époque. C’était fleurit à la fois. C’était comme un chemin de fer, de croix. Montagnes qui restent dont il a aimé que leurs corps en soient la plaque tectonique. Tout se posait là comme une courbe de lit, comme une entaille et d’un fil noué.

Le lit est un brouillon sur lequel on s’essuie.

Désir d’être le lieu d’un sacrifice. Son grain était grave, Ses poignets ne se souciaient pas des autres. Parfois c’était léger, ça disait quelque chose. Il riait.

Les fleurs coiffaient les sommets d’une fine fumée. Parfois ils pouvaient voir au travers et le travers les voyait par dessus. La lumière y posait des éclairs égarés, des ombres aussi, mal rasées. Il cru un instant que le il ne serait plus. Ne pourrait plus être. Lave d’un brun de Sienne, éponge en lame retournée, sur la toile.

Mes pliures, si tu savais mon amour, je les efface d’un coup de fer de lit repassant par la lame les ossements, le lin sentinelle qui nous continue.

Alors elle eu le sentiment étrange, à sa peau, qu’elle avait un sale nom. Le sien au front. Le mettre là devant comme de la chair à sacrifier. Un nom fané puis ramassé, séparé de sa fleur initiale, sarclé en un fagot de paille.

Le vent coiffait sa chevelure. Lui, restait net aux pliures et grisé d’annonciations. D’abandon.

Le cou est une tâche sans pouvoir. Vers les bois, on voit bien les images. Bordées entre les arbres. Non, une tête à l’envers. A quoi bon briller aux yeux des autres quand l’intérieur est un feu éteint. Une certaine négligence se pose sur le côté. Masse qu’enveloppe une épaule avant l’alliance. Les incompatibles se préfèrent. Derrière je devinais. Derrière. Toi de dos. Je devinais ton dos

Sous les yeux

Que quelqu’un, quelque chose s’endorme aussi encore

Maintenant pendu qu’une beauté écrite

Plus

De porter les doigts sur la trace de la mesure : si j’ose dire

Mère silencieuse.

Eux, gamins, suivaient d’un doigt aussi le trajet d’un chant,

Jadis dessiné par des autres.

Droit de le savoir, de toi aimable, pas sûr : pas sûr d’être

L’invisible est la trace, l’offense

Combien, encore, d’être bâché a chanter dans le soir,

Figure

Le noir qui travaille

Etre à hauteur

Qui puisse dire certain la phrase : je suis réparable

En trop, ce serait beau d’être en trop tel

Qu’un presque rien détache

Gris

Lacé du ciel

Secoué non par le chanvre, mais par les nœuds

c’est

Se lance immense à jamais.

Les doigts émiettent la trahison d’un écart.

J’ai jeté des craies dans son dos. J’ai désappris les comptes. J’ai posé mes genoux sur l’angle d’une règle en fer. Cent. J’ai pris du retard dans ma pilosité. J’en avais. L’ombre est sentinelle. De peur ou de froid, les branches.

Le ciel a griffé le toit de la cabane aux moutons. Je voulais dormir près de votre corps, ma mère. Cacher-vous. La forêt crevait l’intermittence. Jaune, noir, jaune, noir (bien sûr, aujourd’hui, le gaz donne des lumières bleutées.) Sommeil. Comment savoir. L’horloge des tempes, le gonflement des ouïes. Mentir. Dire autre chose. Danger aux points cardinaux qui me feront danser. Voilà le bruit. Chaque jour j’ai reconnu le bruit. Une fois que c’est fini, que ç’en est plus. Il reste quand même une image.

Je vis parmi les tilleuls. Parmi les iris et les agapanthes. Il y a aussi un rosier qu’on dit de grand-mère. Des petites roses odorantes pour attraper les âmes. Des épopées minuscules pour passer du bruit au silence.

Elle ignore le trou noir- bruit d’une eau salée- une question l’ébouriffe :

Pourquoi jamais un monde ne me réveille ?

Dans la chambre

derrière la porte en bois ou

la peinture fait des miettes, entre une pile

de revues et une mappemonde qui grince

la tête sur le côté respire

Placé sur l’escabeau

Je regarde les fruits

Une image me chatouille, elle me tuera peut-être

Grain qui peut se trame

Sur le côté

Les vieux offrent des fleurs à ceux qui sont vivants et

à ceux, égoïstes, qui refusent de partir,

qui restent dans la tête.

D’être couvert

Cette photo où lui porte une élégante veste trois quart en daim sur un polo en V noir et elle, une ravissante robe à pois cintrée sur le côté dont le ruban cernant ses cheveux est assorti et est maintenu par une paire de lunette allongée en bakélite noire me fait remarquer combien ils ont été jeunes.

Vespa vert pale, modèle italien.

Lui de travers s’est arrêté pour moi

Je ne lui parle pas, peut-être le referai-je ?

Un clin d’œil a remplacé les doigts dans le bénitier

Acné de foi

Avec de l’eau précieuse j’ai inscrit le nom du jour sur un arbre

Alors elle s’est lavée, a pris le gant de crin et s’est lavé, s’est fait laver, a obligé d’être lavé

D’être légère comme un morceau de noix.

Désir

Rasé par le soir

Les abricots libèrent

Leurs copeaux de cendre et leurs bouillies de bois

Ronflement dans les branches

Chaque fois, les yeux fermés

d’un champ de lin, sur le tapis bleu de ses fleurs

elle nous regarde

Tombée

d’une chevelure

cette fois.

Une part de mon âme sait ce qu’elle cherche à peindre. Source en dedans, gris d’écorce, perles d’un chapelet. J’ai beau fixer la plaine, les monts bleutés des Cévennes, cela me renvoi toujours à un attendant possible. Peindre, c’est franchir la frontière, approcher le dépôt, plonger dans la palpitation d’un monde pour pouvoir s’y rejoindre.

Depuis ce matin, il tombe une petite pluie. J’arpente l’oubli. Je m’abreuve de lumière avant que la nuit ne vienne m’abolir.

Avant, depuis, encore, après.

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